Son diégétique et son extradiégétique : la narration sonore d’un film

Temps de lecture : 12 minutes

Son diégétique et son extradiégétique : la narration sonore de vos films.

Un film c’est à la fois des images et du son. En effet, le son joue un rôle fondamental dans l’immersion du public, dans les émotions et l’histoire proposées.

Ainsi, pour composer la bande sonore de votre film, vous disposez de deux types de sons : le son diégétique et le son extradiégétique.

Voix, bruitages et musiques peuvent tous trois être utilisés comme des sons diégétiques ou extradiégétiques.

En d’autres termes, ils peuvent appartenir à l’espace-temps de l’histoire, ou y être extérieurs.

L’interaction subtile entre les sons diégétiques et extradiégétiques ouvre la porte à une narration sonore riche et complexe.

Dans cet article, nous explorons les sons diégétiques et extradiégétiques.

Nous découvrons comment ces deux dimensions sonores s’entrelacent pour tisser la trame audio d’un film et renforcer son impact narratif.

Le Son Diégétique

Un son est diégétique dès lors qu’il fait partie de l’espace-temps de l’histoire.

Ce son peut être dans le champ ou hors champ et sa source peut être visuellement identifiable ou pas.

Peu importe, si ce son est « concrètement » présent dans la scène, alors c’est un son diégétique.

Par exemple : le son qui provient d’une radio présente dans le cadre et celui qui provient de la radio des voisins (hors champ) sont tous deux diégétiques.

Pour savoir, si un son est diégétique ou non, il vous suffit de vous demander si un personnage présent dans la scène pourrait entendre ce son ou pas.

Si la réponse est oui, alors le son est diégétique.

Les voix diégétiques


Les dialogues sont les sons diégétiques les plus courants.

Si la plupart du temps, les dialogues sont l’essence même de la scène, il n’est pas rare qu’ils se déroulent hors-champ.

Ainsi, une conversation au téléphone est un son diégétique, tout comme les voix des voisins qui se disputent, le discours d’un présentateur radio ou d’un animateur télé.

Par exemple, dans cette séquence de Maman, j’ai encore raté l’avion (de Chris Columbus, 1992), les dialogues des employés de l’hôtel, comme ceux provenant de la télévision ou encore les rires de Kevin, sont tous des sons diégétiques.

En effet, si vous étiez présents à ce moment-là dans la chambre d’hôtel, vous pourriez tous les entendre.

Les bruitages diégétiques

Les bruitages permettent de renforcer le réalisme d’une séquence.

En effet, dans la vraie vie, nous sommes constamment entourés de sons (plus ou moins bruyants).

Notre cerveau faisant en permanence le tri dans les informations qu’il doit prendre en compte ou pas, celui-ci ignore la majorité de ces bruits.

C’est ce que l’on appelle l’oreille sélective.

Mais si vous fermez les yeux et que vous vous concentrez un peu, tous ces sons vous apparaîtront clairement : le vent, un scooter, des travaux, des rires, un frigo…

Eh bien, dans un film c’est la même chose. Sans les bruits de pas, le son des volets qui claquent ou d’une tasse que l’on pose, rien ne serait réaliste. D’où l’importance des bruitages.

De plus, les bruitages donnent une ambiance particulière à chaque scène.

Imaginez : une sonnerie de téléphone, les glougloutements d’une fontaine à eau, un léger brouhaha, des bruits de pas sur de la moquette et des touches d’ordinateur frénétiquement tapotées… Voilà, vous êtes dans les bureaux d’une entreprise.

Ainsi, les bruitages diégétiques sont tous ceux qui sont présents dans la scène.

Et bien entendu, un son n’a pas besoin d’être vraiment réel pour être diégétique. Il doit seulement l’être dans l’histoire.

En témoignent les cris du raptor dans la scène d’ouverture de Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993), plus vrais que nature !

D’ailleurs, voyez (écoutez ?) comment tous ces bruitages diégétiques, et pourtant presque tous hors-champ, contribuent à la crédibilité et à l’ambiance de la scène.

La musique diégétique

Comme nous le verrons plus loin, la musique est indiscutablement le son extradiégétique le plus utilisé.

Et pourtant, celle-ci peut également être un son diégétique.

En effet, pour cela, elle doit simplement provenir de la scène elle-même.

Un personnage joue de la musique, écoute un disque ou la radio, peut-être est-il dans un diner bercé au son d’un jukebox…

Dans ce cas, la musique est diégétique. Et bien entendu, cela fonctionne aussi si ce sont les voisins qui jouent ou écoutent de la musique !

Dans cette séquence de Blue Valentine (de Derek Cianfrance, 2010), le personnage de Dean séduit Cindy en lui jouant du ukulélé. Cette musique est donc diégétique.

Le Son Extradiégétique

Un son est extradiégétique dès qu’il n’appartient pas à la réalité du récit.

En d’autres termes, tout son qui ne pourrait pas être entendu par un personnage est extradiégétique.

Bien entendu, le son extradiégétique le plus évident est la musique de film.

Cependant, vous verrez que les voix et les bruitages peuvent également être des sons extradiégétiques.

La musique extradiégétique

La musique extradiégétique est celle que le personnage ne peut pas entendre, celle qui est réservée au spectateur.

Avec la musique, le réalisateur souligne (appuie, parfois fort) le sentiment qu’il souhaite transmettre dans sa scène.

Ainsi, en écoutant la B.O. d’un film que vous ne connaissez pas, vous devriez assez facilement reconnaître s’il s’agit d’un film romantique, d’horreur, d’action ou encore d’une comédie.

Cependant, certains réalisateurs aiment utiliser le contrepoint musical.

Dans ce cas, la musique n’est pas en adéquation avec ce que le spectateur voit.

Par contre, cette dissonance crée un autre type d’émotion que celle à laquelle nous nous attendions.

Par exemple, cela peut créer de la gêne, du dégoût, de l’absurde, de la dérision, du rire, etc.

D’autres encore font le choix d’utiliser des musiques volontairement anachroniques. C’est le cas, notamment, de Baz Luhrmann ou de Sophia Coppola.

Et ce ne sont là que quelques exemples d’utilisations créatives de la musique.

Quoi qu’il en soit certaines musiques sont tellement puissantes qu’elles en deviennent cultes. Comme, par exemple, celle-ci 😉

Les voix extradiégétiques

Les voix extradiégétiques sont les voix off.

La plupart du temps, il s’agit d’un narrateur qui nous conte l’histoire.

Celui-ci peut être un personnage du récit ou bien un narrateur invisible et omniscient.

Par exemple, dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (de Jean-Pierre Jeunet, 2001), le narrateur est invisible et omniscient.

En effet, dans ce film, André Dussollier assure la narration et donne des informations sur les personnages et les événements, sans apparaître à l’écran.

Cela a pour effet d’ajouter une touche de conte de fées à l’histoire. De plus, sa voix douce et chaleureuse contribue à créer l’ambiance fantaisiste et poétique du film.

Mais, la voix off peut également provenir d’un des personnages principaux du film.

Par exemple, dans Les Affranchis (de Martin Scorsese, 1990), le personnage de Henry Hill utilise une voix off pour guider les spectateurs à travers le monde du crime organisé.

La voix off peut également être utilisée pour permettre au spectateur de comprendre ce que pense le personnage, cerner ses états d’âme.

C’est ce que propose Martin Scorsese dans Taxi Driver.

En effet, dans ce film, le personnage de Travis Bickle utilise la voix off pour exprimer sa perspective troublée sur la société et les événements qui l’entourent.

Ce processus est présent dans de nombreux films, parmi lesquels Forrest Gump (de Robert Zemeckis, 1994), American Psycho (de Mary Haron, 2000) ou encore La Haine (de Mathieu Kassovitch, 1995).

Enfin, la voix off peut être celle d’un conteur à la fois identifiable et extérieur à l’histoire principale.

C’est, par exemple, le cas du personnage de Peter Falk dans The Princess Bride (de Rob Reiner, 1987).

En effet, dans cette histoire, un grand-père raconte une histoire à son petit-fils.

La voix off de Peter Falk sert de fil conducteur tout au long du film pour guider l’histoire contée.

Ainsi, le grand-père est à la fois un personnage de l’intrigue secondaire (il rend visite à son petit-fils et il lui lit une histoire) et un narrateur invisible et omnicient pour l’intrigue principale (le conte de fées dans lequel Weasley doit sauver sa bien-aimée).

Les bruitages extradiégétiques

Les bruitages sont plus rarement extradiégétiques… Mais, cela arrive.

Ils sont principalement utilisés dans les films d’horreur ou de science fiction.

Ainsi, même s’ils n’ont pas de justification à l’écran, ils participent à l’atmosphère générale.

Dans le cas des films de science-fiction, ce sont souvent des sons étranges qui ajoutent de la texture à l’ambiance sonore.

Ils ne peuvent être rattachés visuellement à rien, mais ils participent à l’immersion du spectateur dans un nouveau monde.

Dans cet extrait de Blade Runner (de Ridley Scott, 1982), on entend des bruits métalliques, des sons amplifiés, des battements de cœur, etc. Aucun de ces sons ne pourrait être perçu réellement et pourtant ils créent une ambiance sonore profonde.

Dans le cas, des films d’horreur ou d’épouvante, les bruitages extra-diégétiques peuvent être des sons stridents à l’apparition du tueur ou d’une créature. Mais également, des craquements, des respirations, des chuchotements, etc.

Bref, tout ce qui permet de mettre le spectateur en état d’alerte puis de le surprendre.

Les bruitages extradiégétiques peuvent également être utilisés en comédie pour accentuer l’aspect gaguesque.

Ainsi, de nombreux bruitages extradiégétiques sont présents dans le film Charlie’s Angels : les anges se déchaînent ! (de McG, 2003).

Ce sont des « Whoosh » et des sons amplifiés que vous n’entendriez pas si vous étiez un personnage mais qui participent à l’ambiance de la scène.

Les Sons qui sont les deux !

Alors, un son diégétique est-il condamné à le rester ? En réalité, non.

D’ailleurs, lorsqu’un son passe de diégétique à extradiégétique (ou l’inverse), on parle parfois de « transposition sonore » ou encore de « son transdiégétique ».

Quoi qu’il en soit, ce passage d’un type de son à l’autre peut se produire pour des raisons narratives, esthétiques, ou pour créer des effets spécifiques dans le film.

Afin d’illustrer ce phénomène, nous nous baserons sur la musique, mais les bruitages et les dialogues peuvent également effectuer cette transition d’un genre à l’autre.

D’extradiégétique à diégétique

La musique passe d’extradiégétique à diégétique lorsqu’au bout d’un moment on parvient à en identifier la source.

Par exemple, dans A serious man (de Joel et Ethan Cohen, 2009), à la fin du générique, on passe dans le câble d’un écouteur audio pour ressortir au niveau de l’oreille du personnage.

De cette manière, la musique du générique (extradiégétique) devient diégétique puisque c’est la musique écoutée par le personnage.

Voici un autre exemple tiré du film Amadeus (de Milos Forman, 1984), dans cet extrait, la musique et le chant ne sont que dans la tête de Salieri, puis on découvre la chanteuse en plein spectacle.

La musique passe donc d’extradiégétique à diégétique.

De diégétique à extradiégétique

Parfois le son diégétique devient extradiégétique.

Un des exemples les plus courants de ce « glissement », c’est lorsque un personnage écoute une musique et que celle-ci devient progressivement de la musique extradiégétique.

Par exemple, dans cette scène de Shaun of the dead (de Edgar Wright, 2004), le jukebox lance la chanson « Don’t stop me now », cette musique est donc diégétique.

Puis, la musique devient une musique extradiégétique lors du combat avec les zombies.

D’ailleurs dans cette scène, vous avez aussi quelques exemples de bruitages extradiégétique, donc tendez bien l’oreille 😉

Quand les deux s’entremêlent

Dans cet autre extrait du film Amadeus (de Milos Forman, 1984), Mozart dicte à Salieri la partition qu’il n’a plus la force d’écrire.

On entend alors l’œuvre de deux manières.

En effet, on entend, simultanément, Mozart qui fredonne (son diégétique) et le résultat final (son extradiégétique).

Vous connaissez à présent la différence entre le son diégétique et le son extradiégétique.

Le son est une part importante de la création audiovisuelle et nous espérons que cet article vous aura inspiré pour vos prochains films.

Auteur

SosCine

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